Nuit d’épouvante
C’était la nuit. Nous avions dîné dans une petite auberge, au bord du Rhône. Au-dessus de nous, le château de Mornas. Tu m’avais raconté l’histoire de la jeune épousée qui disparut le soir de ses noces ; on aurait retrouvé, au fond d’une oubliette, son squelette enveloppé dans sa robe nuptiale, cent ans après…
Tête à tête amoureux, pupilles dilatées, j’étais subjuguée. Envie de toi, envie de nous, envie d’amour.
« Je t’emmène chez moi, m’as-tu dit, ce n’est pas à côté, un peu de route à faire, nous allons avoir encore le temps de bavarder. »
Alors a commencé l’aventure, la folie, l’extravagance, le voyage au bout de la nuit. Des kilomètres, encore des kilomètres, toujours des kilomètres de virages, de forêts, de bois devinés dans la lueur des phares. Pas une lumière, plus une maison, le bout du monde, puis la descente sans fin de ce chemin caillouteux. Enfer ou Paradis ?
La nuit est noire maintenant, épaisse, lourde ; la maison apparait, masse énorme tapie comme un animal, complètement isolée. Nous entrons dans le labyrinthe.
Odeur de moisi, lourdes tentures, pièces démesurées, escaliers que je monte, meubles qui s’imposent, grands, gigantesques, sombres.
Tes bras qui s’ouvrent, tu me bascules, tu m’embrasses.
Vite, droit au fait, en sportif, je saute la dame ! Emballé, c’est pesé ; en moins de deux, je suis baisée, vite fait, bien fait.
Tu retombes sur moi, lourd, pesant, étouffant et, dans le silence de la nuit, au cœur de cette maison cathédrale, s’élève un ronflement énorme, tonitruant, qui enfle, envahit, explose, n’en finit plus.
L’homme a aimé !