La photo

Après-midi au bord de l’eau. Les vagues ont laissé sur le sable une mousse laiteuse et quelques algues brunes. Le soleil commence à peine à baisser, les ombres à s’allonger. Des grandes personnes sérieuses, assises sur des pliants à rayures bleues et blanches au ras du sol étendent leurs jambes et lisent le journal. D’autres, allongées sur des serviettes multicolores, immobiles, les yeux fermés pensent ou dorment.

Le père est debout, il vient de dire : « Allez, venez les filles, on va prendre une photo. » La mère est assise, un grand panier à côté d’elle. On aperçoit les paquets de biscuits entrouverts. Il n’y a plus d’eau. La bouteille en plastique transparent est vide, elle est couchée sur le sable, à côté de la grande serviette de bain rouge qui a servi de nappe.

Les petites filles ne sont pas contentes. Elles voulaient encore aller se baigner ou jouer ; le château n’est pas fini. Des coquillages blancs d’un côté, rien de l’autre.

La plus petite est venue la première. Les autres ne la voulaient pas dans le château. Elle s’est mise devant, bien droite, les bras le long du corps et elle a attendu.Les trois autres sont arrivées et se sont alignées. La grande a veillé à ce que l’ordre soit bien établi ; elle s’est mise sur le côté, de profil, comme un capitaine, elle est sérieuse, le vent a remonté sa mèche, elle regarde les trois autres.  La seconde et la troisième se chamaillaient – il faut y aller puisque papa l’a dit – elles sont arrivées en traînant des pieds ; l’une regarde fixement l’objectif et sourit,  l’autre se tortille,  le soleil brille.

Belle journée d’été.