Vacances

La diseuse de bonne aventure qui s’était saisie de ma main sur la place Djem-el-Fna ne m’avait dit, contre quelques dirams, qu’une chose, une seule : « Ton avenir est devant toi. »
Elle ne m’avait ni mise en garde, ni prévenue des étrangetés de l’endroit.
Pour bon nombre,  je les avais sans mal dénichées toute seule, m’étant cognée à un charmeur de serpents, fait détrousser en écoutant un conteur, et m’étant régalé d’une brochette délicieuse, quoiqu’un peu grasse, qui, je ne l’ai appris que plus tard, était composée de rate, panse et mou de bête indéfinie !
Forte de ces diverses expériences, la belle gazelle que j’étais, et que je suis encore – n’est-ce pas ? – avait quitté la place et son grouillement pour rejoindre la palmeraie où l’attendait une autre aventure.
Bord de bassin ombragé, luxe et volupté.
Un homme seul ; une étrangeté dans ces lieux.
Beau. Il n’y a pas d’autre qualificatif. Beau. Pas de questions à se poser, pas de description à faire, à chacune ses critères. Beau !
Quelques paroles échangées, des rires ; connivence ; rien d’étrange là-dedans, si ce n’est qu’à la fin du dîner, le monsieur m’offre un dernier verre, me salue aimablement et prend ses quartiers de nuit. Jamais le premier soir, me suis-je dit.
Le deuxième a été identique au premier. La soirée était belle, le prince, charmant ; tout concourrait à une conclusion érotico-romantique. Regard de braise ; je m’incendie, mais léger baisemain et, adieu l’Adonis.
Le troisième soir, l’atmosphère est bizarre, c’est impossible de ne pas… Enfin bref, Chauffe un marron, chantait Annie Cordy, ça le fait péter ; sauf que, sauf que… Il commence ses phrases, ne les finit pas, se penche vers moi presque angoissé, et chuchote :
« Il faut, il faut que je te dise quelque chose. Je suis très gêné… J’ai une anomalie… »
Je crains alors le pire, me penche en avant, reste dans l’expectative.
« Mon sexe est… très gros. »
Soupir de soulagement, j’avais déjà tout imaginé, tout… Me voilà rassurée ; mieux vaut trop que pas assez, me suis-je dit, je vais bien m’en accommoder. Sauf que…
Comment décrire l’oiseau ?
Quand j’ai vu la chose se déployer, ce n’était ni un pic, ni un cap, ni une péninsule, encore moins un perchoir… Frémissante, si longue, si ronde, se tendant vers moi, si diablement vivante, que je crus à une trompe d’éléphant !