Mémoires d’une gamine perverse

….. C’est ma proposition. Je serai ton coach en amour. La beauté, tu l’as, l’intelligence aussi mais tout est en friche, inexploré, inexploité. Je veux faire de toi la femme complète; la déesse femme; la plus experte en amour, la plus recherchée pour sa culture, ses connaissances et ses mots d’esprit, la plus crainte pour le pouvoir qu’elle aura. Ne m’interromps pas. Sache que ce sera dur, très dur; je serai tout, ton professeur, ton maître et je t’apprendrai tout en commençant par le début: comment t’habiller, comment attirer l’attention des hommes puisqu’il faut, en partie, ne nous leurrons pas, en passer par là; tu apprendras toutes les techniques de l’amour pour les subjuguer, les ensorceler. Quand je jugerai que tu es arrivée à un stade où tu n’as plus besoin de moi, où tu as pris la main, alors seulement tu auras acquis ta liberté et pourras faire seule tes choix.

Le chemin ne se cantonne pas à devenir une experte en amour, celui de la connaissance est tout aussi important. Il t’appartiendra de travailler encore et encore, en fac ou ailleurs, pour que ta tête soit pleine, autant qu’elle puisse l’être. Dans ce domaine, je ne peux rien faire pour toi, ou très peu au début. Il  faudra t’y mettre; c’est à ce prix que tu te distingueras.
Rien, ni personne, ne t’oblige à accepter ma proposition.
Je te le répète, tu as les atouts de base, ce qui est rare; à toi d’avoir de l’ambition et de tout mettre en œuvre pour accéder au pouvoir. Cela passe par l’érotisme, par le savoir du corps et rien de tout cela n’est inné. Tu as des dispositions, c’est sûr, développons-les.
Doublé d’un zeste de perversité, l’érotisme acquiert sa majuscule, c’est un Art. Encore faut-il en connaître les bases. Passage obligé si tu veux devenir incomparable, inoubliable, parfaite. Je serai ton prof. en la matière.
– Mais Antoine là-dedans?
– Rien ne change, tu l’aimes; tu vis ce que tu veux avec lui. Ce n’est pas parce que tu seras à l’école de l’amour, que tu aimeras ceux qui t’initieront. Ce que tu feras avec eux, ce sont des travaux pratiques, seulement des travaux pratiques.
– Eux? Ce n’est pas toi?
– Réfléchis petite fille, je suis «un» et ce que j’aime, d’autres ne l’aiment pas forcément; ce que je pratique, d’autres ne le pratiquent pas; ce que j’attends n’est pas universel. Ta science en la matière ressemblera, si j’essaie de trouver une comparaison, à une peinture où chaque coup de pinceaux est nécessaire, indispensable pour que la toile soit parfaite. Je suis le chef d’orchestre, celui qui veille sur toi, qui organise, planifie, décide de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Si tu donnes ton accord, je deviens ton pygmalion mais, attention, c’est un engagement; tu n’as plus ton mot à dire, que cela soit clair entre nous. Rassure-toi, tu peux à tout moment reculer, dire stop mais là, la règle est claire elle-aussi: la partie est finie, définitivement finie….

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………Mail
De: Charlotte Duplessis
A : Philippe Sorpion
J’ai grillé les étapes, tu vas être content. Puisque Monsieur est choqué par mon langage, puisque Monsieur l’exige, je vais faire un effort et tenter de te raconter ma vie à la façon de Madame de Sévigné.
Mon Cher, s’il vous reste quelques brins d’amitié, je vous narrerais mes dernières aventures et vous serais très obligée de m’en donner votre avis. Je vous apprends, quand bien même vous devriez enrager, que la chose fût menée promptement. Mon oncle entreprit donc de me faire goûter aux joies de la navigation. Il convint de m’emmener sur son embarcation. Si les cornes ne m’eussent venues à la tête, je n’aurais pas été plus étonnée de la rudesse des tâches qu’il accomplit. A peine étions-nous loin des côtes, alors que je m’étais innocemment penchée sur le bastingage, il vint. Que croyez-vous qu’il me dît? – Madame, serait-ce vous faire violence que de vous débarrasser de cette tenue? La chose faite, que croiriez-vous qu’il me fit? Dussé-je en rougir, je me vis entreprise de 1000 et une façon dont je ne me suis remise que fort tard. Vous me voyez obligée de vous dire mon contentement, jamais une fois dans ma vie, je ne vis telle vigueur et si la nécessité de rapporter à terre quelques poissons n’avait été une réalité cruelle, je crois, mon cher que nous y serions encore. Un peu étourdie, je m’empresse de vous relater les faits;  je ne veux pas que vous y voyiez forfanterie mais l’envie simple de partager avec vous ce plaisant souvenir. Donnez-moi promptement de vos nouvelles, je vous en serais très obligée. Votre amie

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…….Sonner à la porte d’un hôtel, fut-il particulier, est à la portée de tous mais jamais je n’aurais cru le faire. Et pourtant…j’entrai ce jour là dans un monde hors du temps, une bulle de raffinement, de chaleur, d’élégance.
Impossible de me souvenir de la personne qui me reçut; je sais que c’était une femme. Je crois me rappeler qu’elle était d’âge mûr; elle me conduisit dans «la» chambre; spacieuse, aux plafonds hauts, meublée avec un goût exquis, de grands rideaux grenat, des tapis d’orient moelleux, un très grand lit, de nombreux coussins.
Je m’installai comme une reine, prenant mon temps, fermant soigneusement les rideaux et vérifiant qu’il n’y avait aucune autre source de luminosité. Je pris alors un bain chaud, mousseux, divin puis m’allongeai sur le lit. Je choisis de me déshabiller et de l’attendre nue, ce que je fis dans le noir le plus complet. C’est fou ce qu’on peut alors entendre; les pas feutrés et glissants de quelqu’un dans le couloir, une porte que l’on ferme au loin, un gargouillis d’eau, des petites voix d’enfants au dehors; tout est feutré, ouaté. La vie est là mais de l’autre coté. Les yeux s’habituent au noir, continuent à ne rien voir mais, nouvelle dimension, en ont pris leur parti et ne cherchent plus à voir. Disponibilité complète et néanmoins esprit vif et corps en alerte.
A l’heure dite, la porte s’ouvrit, un raie de lumière puis à nouveau l’obscurité. L’homme que j’attends est là, je le devine. Il ne parle pas; il s’avance très doucement, à tâtons, frôle le lit; c’est seulement alors que j’entendis un «Bonjour Madame» calme, serein; le «bonjour» d’un homme stable et sûr de lui; pas d’un gamin déluré; le bonjour qui rassure. Il me chercha du bout des doigts, me trouva; le reste, il me faudrait des pages et des pages.
Ne rien voir veut dire ressentir à la puissance 10 tout le reste. Ses caresses sont électriques, le moindre mouvement et je crois défaillir; une parole m’enchante – un souffle m’anéantit – une morsure et je suis dévorée – un baiser ne peut être que passionné. Aucun tabou, aucune gêne, tout est permis….
Les corps se cherchent, se hument, se respirent, se palpent, se caressent, se consument mais ne se voient pas! Murmures, confidences, voix … mais point de regards.
Il partit comme il était venu, dans le noir le plus grand……..

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